LA
COTITULARITE DU BAIL D'HABITATION
Article
publié le 18/12/2012, vu 18680 fois
LA
COTITULARITE DU BAIL D’HABITATION
Karine
ALTMANN
Avocat à la
Cour d’Appel de PARIS
Selon
l’architecte français Le CORBUSIER, « LE LOGIS, C’EST LE TEMPLE DE LA FAMILLE
», c’est dans le droit fil de cet état d’esprit que le législateur a souhaité
de longue date, protéger le logement familial, notamment via la notion de
cotitularité.
Celle – ci
se définit, en effet , comme la situation juridique dans laquelle se trouve
deux ou plusieurs personnes disposant d’un même droit.
Si la
cotitularité a eu dans un premier temps pour finalité exclusive de protéger le
logement familial et le couple marié, à travers les dispositions des articles
215 alinéa 3 ou encore 1751 du Code Civil, elle ne peut plus aujourd’hui être
envisagée au seul profit du couple marié.
En effet,
depuis les années 1960, le schéma a été
profondément modifié, avec une diminution importante du nombre de mariages, la
progression constante de l’union libre et du PACS, désormais consacré par le
législateur.
Cet
éclatement de la cellule classique a pour conséquence immédiate la naissance de
nouveaux intérêts à protéger et le développement de nouvelles dispositions
juridiques en ce sens.
C’est
pourquoi, une étude de la cotitularité ne peut se limiter à ce jour à ses
seules conséquences au regard des
couples mariés , mais doit être envisagée également sous l’angle des unions de
fait. (I)
Parallélement,
avec un divorce sur deux en région parisienne, et un sur trois pour le reste de
la France, le nombre important de ruptures d’union libre, les décès en dehors
des régles successorales protectrices de
les effets de la cotitularité n’en ont
que plus d’importance. (II).
C’est donc
autour de ces deux axes, que je développerai mon propos.
I – LES
CONSEQUENCES JURIDIQUES DE LA COTITULARITE
Si la
cotitularité avait pour vocation initiale de protéger le couple marié, ses
frontières ont été redéfinies au vu de l’émergence des nouvelles structures
familiales.
C’est
toutefois, sous l’angle du couple marié que nous aborderons l’étude du couple
marié.
A –
COTITULARITE ET MARIAGE
L’article
1751 du Code Civil dispose : « le droit au bail du local sans caractère
professionnel ou commercial, qui sert effectivement à l’habitation des deux
époux, est quelque que soit leur régime matrimonial et nonobstant toute
convention contraire, et même si le bail a été conclu, avant le mariage réputé
appartenir à l’un ou à l’autre des époux. »
Se prévaloir
de la protection du logement familial via la qualité de cotitulaires du bail ,
c’est répondre en amont à certaines conditions légales.
1 – Conditions d’Application de la Cotitularité
a –
L’indifférence du régime matrimonial
La
cotitularité du bail d’habitation des époux a un caractère impératif, puisque
la nature d’ordre public résulte du texte de l’article 1751 du Code Civil,
lequel précise qu’elle profite aux époux « nonobstant toute convention
contraire ».
En
conséquence, aucune dérogation n’est admise, ni dans les conventions
matrimoniales, ni dans un contrat conclu entre l’un des époux et le bailleur.
Aussi,
l’article 1751 du Code Civil , dés lors qu’il évoque « les deux époux » englobe
toutes les situations maritales, que les époux soient unis sous un régime
communautaire ou séparatiste.
b –
L’indifférence de la date de conclusion du bail
Du fait des
dispositions de l’article 1751 du Code Civil, le conjoint non partie au contrat
de bail signé initialement par l’autre époux, prend immédiatement la qualité de
locataire et ce quelque soit, la date de conclusion du bail , qu’il ait été
conclu avant ou après le mariage.
Situation
n°1 : Cas d’un mariage conclu hors de France
Le mariage a
été célébré à l’étranger mais reconnu en France, et la cotitularité s’impose.
2 –
Conditions nécessaires
Le
législateur limite l’étendue du champ d’application de la cotitularité légale
en imposant au travers de l’article 1751 du Code Civil, certaines conditions.
Elles sont
au nombre de deux :
a – La
cotitularité ne peut s’appliquer que s’il s’agit d’un bail exclusivement à
usage d’habitation.
Sont donc
exclus les baux commerciaux et professionnels , ainsi que les conventions
d’occupation à titre gratuit.
b- la
cotitularité ne peut s’appliquer que s’il s’agit du logement habituel et
principal du couple, et ce même pour un temps. La jurisprudence n’exige
toutefois pas, qu’il s’agisse d’une cohabitation permanente.
C’ est
pourquoi, si l’un des époux demeure à l’étranger ou de façon permanente en
dehors du logement loué, il lui appartiendra dans le cadre d’une éventuelle
revendication du droit au bail, de prouver qu’il demeure effectivement dans les
lieux
Situation
pratique :
L’un des
époux réside la plus grande partie de l’année en dehors de l’appartement loué
en vue de l’habitation principale, ne pourra pas prétendre à la cotitularité
Les
bailleurs sociaux sont fréquemment confrontés à des couples ne résident pas
ensemble dans l’appartement, ce qui n’est pas sans poser problème.
Quelle doit
être la position du bailleur dans ces circonstances ?
La question
de savoir si l’appartement sert de logement principal du couple a autant
d’importance pendant l’exécution du contrat de bail, qu’à l’expiration du celui
– ci.
La charge de
la preuve d’une cohabitation permanente ou même pendant un temps, incombe au locataire
qui s’en prévaut. La production de factures de gaz, d’électricité, de chéquiers
communs faisant état de l’adresse commune
et des époux peut être considéré comme un début de preuve.
- 0 -
Ainsi et
comme nous le verrons ultérieurement, la cessation de la cohabitation, suite à
une séparation de fait ou à une autorisation judiciaire de résidence séparée ne
sont pas de nature à remettre en cause la qualité de colocataire des époux.
B – L’EGALITE
DES LOCATAIRES ET SON IMPLICATION PENDANT LA DUREE ET A L’EXPIRATION DU BAIL
La
cotitularité a pour conséquence immédiate de placer les époux dans une
situation « d’indivision forcée » en reconnaissant à chacun un droit personnel
sur le bail, ce qui impose également des obligations spécifiques pour le
bailleur.
1 –
L’OBLIGATION POUR LE BAILLEUR D’UNE DOUBLE NOTIFICATION
Du fait
de la coexistence du droit sur le bail
de chaque des deux époux, le bailleur est soumis à une obligation de double
notification, concernant un certain nombre d’actes notifiés aux locataires, et
notamment :
- les commandements de payer ;
- les offres de renouvellement du bail ;
- les assignations en justice ;
- les congés ( sur ce dernier point, un arrêt
de la 3ème Chambre Civile de la Cour de Cassation du 2.2.2000 déclare valable
un congé adressé par le bailleur en LRAR en une seule lettre recommandée AR,
mais dont l’accusé de réception a été signé par chacun des époux (pourvoi
98.11471) ;
Il convient
de préciser que la sanction du respect de cette double notification n’est pas
la nullité de l’acte mais son inopposabilité , à l’encontre de l’époux non
destinataire.
Bien
entendu, l’ obligation d’une double notification pèse sur le bailleur, à condition que la situation
maritale de son locataire ait été portée à sa connaissance, en temps utiles.
SITUATION
PRATIQUE :
Cette
difficulté a trouvé sa solution lors de la rédaction de l’article 9-1 de la loi
du 6 juillet 1989, aux termes duquel, nonobstant les notifications ou
significations faites en application du présent titre par le bailleur, sont de
plein droit opposables au partenaire lié par un pacte civil de solidarité au
locataire, ou au conjoint du locataire si l’existence de ce partenaire ou de ce
conjoint n’a pas été préalablement porté à la connaissance du bailleur.
Dés lors, et
en application de ce texte, le bailleur ignorant l’existence d’un conjoint ou
d’un partenaire lié par un PACS ne peut se voir opposer la nullité de l’acte,
sauf au conjoint se prévalant de l’inopposabilité de démontrer que son
changement de situation personnelle avait été portée à la connaissance de son
propriétaire.
ÞSur un plan
pratique, et afin d’éviter toute contestation, il est conseillé au bailleur,
dans tous les cas de notifier tout acte au locataire en titre ainsi qu’à tout
conjoint s’il y a .
La
cotitularité a bien entendu des effets lors de la notification d’actes par le
locataire à son bailleur.
2 –
L’EXIGENCE D’UN CONSENTEMENT CONJOINT DES LOCATAIRES
Si la
cotitularité a pour effet d’imposer au bailleur une double notification d’un
certain nombre d’actes aux locataires, ces derniers sont eux –même soumis à la
nécessité d’un consentement conjoint préalablement à toute décision affectant
le bail.
C’est notamment
le cas lors du congé délivré par l’un des époux, sans l’accord de l’autre.
En effet, le
locataire ne peut donner congé au bailleur du logement loué sans l’accord de son conjoint.
Certes, un
époux peut renoncer personnellement à son droit au bail, mais le congé qu’il
adresse au bailleur n’a aucun effet à l’égard de son conjoint, qui conserve,
ses droits personnels sur le logement.
SITUATION
PRATIQUE
Très
fréquemment, un conjoint peut quitter le domicile conjugal sans même donner
congé , laissant l’autre conjoint dans l’appartement sans qu’aucune décision de
divorce n’intervienne.
Dans ces
conditions, et si les conditions de l’abandon du domicile ne sont pas réunies
(caractère de force majeure), le bailleur peut toujours considérer que l’époux ayant
quitté le logement est toujours cotitulaire et doit répondre du paiement des
loyers.
S’il est de
l’intérêt du bailleur, il peut également
considérer que seul le conjoint resté dans les lieux, a la qualité de
locataire, et sur ce point, saisir le Tribunal d’Instance aux fins de voir
constater que l’un des conjoints a quitté les lieux, et de voir reconnaître la
qualité de seul locataire à celui resté dans les lieux.
La
cotitularité prévue à l’article 1751 du Code Civil a également une autre
conséquence et non des moindres, la solidarité entre époux prévue par l’article
220 du Code Civil.
C – LA
CONSEQUENCE INDIRECTE DE LA COTITULARITE : LA SOLIDARITE ENTRE EPOUX
L’article
220 du Code Civil dispose que les époux sont solidaires des dettes ayant pour objet
l’entretien du ménage, ou l’éducation des enfants.
Les sommes
dues au titre du logement familial sont bien entendu comprises dans les dettes
visées par l’article 220 du Code Civil, ce qui a pour conséquence immédiate
d’autoriser le bailleur à réclamer à
l’un des époux la totalité de la dette de loyers.
SITUATION
PRATIQUE
Le bailleur
peut par conséquent diligenter toutes voies d’exécution à l’encontre de l’époux
de son choix.
Contrairement
à la cotitularité qui ne peut jouer que pour un logement occupé à titre
principal, la solidarité entre époux peut également jouer dans le cadre de
dette de loyers concernant une résidence secondaire.
Si la
cotitularité et la solidarité entre époux ont un caractère automatique, tel
n’est pas le cas pour les concubins et les partenaires liés par un PACS.
D –
L’EXTENSION DU CHAMP D’APPLICATION DE LA COTITULARITE LEGALE
Si
l’application des effets de la cotitularité légale aux concubins (1) et aux partenaires liés par
un PACS (2) est , dans une moindre mesure effective , elle est également limitée (2)
1 – LE COUPLE DE CONCUBINS
L’article
515- 8 du Code Civil définit le concubinage comme une union de fait,
caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de
continuité entre deux personnes de sexe différent ou de même sexe, qui vivent
en couple.
SITUATION
PRATIQUE :
Le bailleur
a, en général, les plus grandes difficultés à apprécier la notion de
concubinage notoire. En tout état de cause, c’est celui qui se prévaut de cette
qualité, qui doit la prouver.
D’une façon
générale, la preuve est libre, mais elle résulte le plus souvent de :
- documents officiels, avis d’imposition
établis au nom des deux concubins ,
- le témoignage et attestations d’amis,
membres de la famille des concubins ;
A la
différence du couplé marié, le couple de concubins ne bénéficie pas
automatiquement de la cotitularité du bail et de la solidarité.
a – LA
COTITULARITE
La
cotitularité ne peut être envisagée pour le couple en concubinage, qu’à la
condition que chacun des concubins soit signataire du bail.
A la
différence de l’article 1751 du code civil, qui impose une cotitularité d’ordre
public, la cotitularité entre deux concubins ne peut être que conventionnelle.
A défaut, le
concubin non signataire du bail, ne dispose d’aucun droit sur le bail, et ne peut
se maintenir dans les lieux loués, si le titulaire du bail devait donner congé
au bailleur, sauf décès ou abandon de domicile par le locataire en titre.
Il convient
de préciser que dans le cadre d’une cotitularité conventionnelle, le bailleur
sera soumis aux mêmes obligations de double notification des actes concernant
le bail.
Il s’agit là
d’un parallélisme avec les règles régissant les notifications concernant les
couples mariés.
b– LA
SOLIDARITE
POUR LE
BAILLEUR
Si le
bailleur d’un couple marié bénéficie des dispositions de l’article 220 du Code
Civil, et de la faculté de pouvoir se retourner au choix contre l’un ou l’autre
des époux, aux fins de recouvrer les sommes dues au titre des loyers, la
situation lui est beaucoup moins favorable en cas de location à un couple de
concubins.
A la
différence du mariage ou du PACS, qui créé une solidarité en matière de dettes
locatives, aucune disposition semblable n’existe pour les concubins.
Or,
conformément à l’article 1202 du Code Civil, la solidarité ne se présume pas.
Les
concubins peuvent toutefois être solidaires du paiement des dettes locatives,
qu’à la condition :
- d’être cotitulaires du bail ;
- qu’une clause de solidarité soit
expressément prévue aux termes de l’engagement de location ; celle – ci devra
toutefois être limitée dans le temps, en général pour une durée minimum d ‘un
an, ou pour toute la durée initiale du bail.
Les
tribunaux tendent en effet, à invalider les clauses de solidarité conclues pour
une durée indéterminée, notamment lorsqu’un des locataires a donné
préalablement congé.
En l’absence
de clause de solidarité prévue aux termes du bail, et de cotitularité
conventionnelle, le concubin non titulaire qui vit de manière continue avec le
titulaire du bail n’est pas tenu au paiement des loyers et charges.
SITUATION
PRATIQUE
Confronté au
changement successif de concubins, le bailleur a tendance à rédiger des
avenants afin de tenir compte du changement de situation personnelle de ses
locataires.
D’expérience,
nous déconseillons la rédaction d’avenants qui ne peuvent que se multiplier au
fil du temps , et priver le bailleur de la solidarité d’un locataire ayant
certes donné congé, mais étant encore tenu par les termes d’une clause de
solidarité vis à vis de son ancien bailleur.
POUR LE
LOCATAIRE
Relativement
au congé, le titulaire du bail peut donner congé du logement, sans l’accord de
son concubin. Le congé, à la différence de ce qui est applicable pour le couple
marié, lui sera cette fois ci opposable.
Le concubin
non titulaire du bail, ne pourra bénéficier d’un droit de maintien dans les
lieux, à l’expiration du délai de préavis.
S’il devait
se maintenir dans les lieux consécutivement à un congé donné par le titulaire
du bail, il doit alors être considéré comme occupant sans droit, ni titre, et
une action en justice doit être intentée sur cette base, à son encontre.
La situation
est pour le moins différente en ce qui concerne le couple liés par un pacte
civil de solidarité.
2 – LE
COUPLE DE PARTENAIRES LIE PAR UN PACTE CIVIL DE SOLIDARITE
Aux termes
de l’article 515 – 1 du Code Civil, le « pacte civil de solidarité est un
contrat conclu par deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de
même sexe, pour organiser leur vie commune. »
A la
différence du concubinage, le pacte civil de solidarité a un caractère
officiel, puisqu’il est prononcé par le Tribunal d’Instance et dés son
prononcé, et est mentionné sur le livret de famille de chaque partenaire, ce
qui facilite l’information du bailleur.
C’est sous
cet angle, que doit être analysé la cotitularité et ses conséquences au regard
du Pacte civil de solidarité.
a – la
cotitularité
La
cotitularité d’ordre public de l’article 1751 du Code Civil, n’a pas
d’équivalent en ce qui concerne le pacte civil de solidarité.
La situation
est donc en tout point, identique à celle du concubinage, à savoir une
cotitularité, qui ne peut être qu’ exclusivement conventionnelle.
Toutefois,
on peut s’interroger légitimement sur le point de savoir si le législateur n’a
pas souhaiter créer un parallèle avec la cotitularité légale de l’article 1751
du Code Civil.
En effet,
l’article 9-1 de la loi du 6 juillet 1989 laisse à penser que le législateur a
crée
une
co-titularité du bail en matière de notification et de signification d’actes
relatifs aux rapports locatifs.
Ainsi, tous
les actes notifiés ou signifiés par le bailleur sont opposables au partenaire
d’un pacte civil de solidarité non signataire du bail , si l’existence de
celui-ci , n’a pas été porté à la connaissance du bailleur.
Enfin et
comme nous le verrons ultérieurement, le décès ou l’abandon de domicile ouvre
un certain nombre de droits sous certaines conditions au partenaire lié par un
Pacte Civil de Solidarité.
En ce qui
concerne la solidarité, le statut des partenaires liés par un PACS, est en tout
point, semblable à celui des époux mariés.
b- la
solidarité
L’article
514 alinéa 2 du Code Civil dispose que « les partenaires sont tenus
solidairement à l’égard des tiers des dettes contractées pour les besoins de la
vie courante . Toutefois, cette solidarité n’a pas lieu pour les dépenses
manifestement excessives. »
Cette
situation est extrêmement favorable pour le bailleur, puisque :
- soit, le bail est conclu avec les deux
partenaires, et ceux –ci sont tenus en qualité de co-titulaires du bail ,
solidairement au paiement des dettes locatives pendant toute la durée du
contrat de location ;
- soit le bail est consenti au profit
d’une personne seule qui conclut en cours de bail un pacte civil de solidarité
et dans ce cas, les deux partenaires sont tenus au paiement du loyer et des
charges pendant toute la durée du PACS, par application de l’article 514- 4 du
Code Civil.
C’ est dans
ces conditions, qu’il nous faut maintenant aborder les effets de la
cotitularité en cas de modification des situations familiales.
II – LES
EFFETS DE LA COTITULARITE EN CAS DE MODIFICATION DES SITUATIONS FAMILIALES
Nous
examinerons ici la question de la cotitularité, sous l’angle du divorce, de la
séparation , et enfin de l’abandon du domicile et du décès.
II – LES
EFFETS DE LA COTITULARITE EN CAS DE MODIFICATION DES SITUATIONS FAMILLIALES
Il convient
d’examiner en tout premier lieu, les effets des modifications des situations
familiales pour le couple marié.
A – LA
COTITULARITE A L’EPREUVE DU DIVORCE
Le
législateur a voulu protéger le logement familial, même en cas de séparation ou
de divorce du couple marié.
Cette
volonté de faire perdurer cette protection s’illustre à plusieurs niveaux et
notamment :
- lors du congé donné par l’un seul des
époux, lequel n’est pas opposable à l’autre conjoint ;`
- lors de la séparation de fait ou de
droit du couple, où le principe de cotitularité demeure, même après une
décision d’un juge aux affaires familiales se prononçant sur une résidence
séparée des époux ;
- la cotitularité perdure jusqu’à la
transcription du divorce auprès de l’état civil ;
Cette
volonté de protéger le droit indivis de chaque époux locataire conduit parfois
à des situations juridiques complexes.
C’est ainsi
que par arrêt de la 3éme Chambre Civile de la Cour de Cassation du 1er avril
2009, (pourvoi 08- 15929), la juridiction suprême a eu à juger d’une situation
particulière puisqu’un bail avait été signé par deux preneurs.
En cours de
contrat, ils se marièrent puis divorcèrent.
Autorisée à
résider séparément, l’épouse s’est vue attribuer la jouissance du domicile
conjugal .
Un nouveau
bail a été proposé à la seule locataire qui l’a accepté, avant de donné congé
au bailleur.
L’ex –époux
a alors assigné son ex-épouse et le bailleur afin de se faire reconnaître
titulaire du droit au bail avant son mariage.
Dés lors
qu’au moment du divorce, seule la jouissance du domicile conjugal avait été
attribuée, à titre provisoire, à l’ex - épouse et qu’il n’avait jamais donné
congé, il ne pouvait se voir opposer le nouveau bail , la cotitularité légale
des époux étant maintenue.
Le bailleur,
au vu de cette décision, se doit de poursuivre une double notification de tous
les actes concernant le bail, jusqu’à la transcription du jugement de divorce
auprès de l’état civil.
Si la
cotitularité perdure jusqu’à la transcription du divorce auprès de l’état
civil, qu’en est il en cas de rupture de concubinage ou du PACS ?
B – LA
COTITULARITE A L’EPREUVE DE LA RUPTURE DU CONCUBINAGE OU DU PACTE CIVIL DE
SOLIDARITE
1 – LE
COUPLE PACSE
La situation
est différente s’il le couple pacsé a opté pour la cotitularité conventionnelle
ou si un seul des partenaires est titulaire du bail.
Þ En cas de
cotitularité conventionnelle, et lorsqu’une rupture intervient , si un seul des
partenaires adresse son congé , le bail se poursuivra au seul profit du partenaire
qui n’a pas donné congé.
Þ Si le bail
contient une clause de solidarité , celui qui a quitté le logement reste
solidaire jusqu’à ce que la résiliation du PACS produise ses effets, ainsi que
jusqu’à l’expiration du bail
Þ En
l’absence de clause de solidarité, celui qui a quitté le logement reste
solidaire jusqu’à ce que la résiliation du PACS produise ses effets et jusqu’à
l’expiration du préavis donné au bailleur pour le congé
Þ En cas
d’absence de cotitularité conventionnelle, les deux sont solidaires pour les
dépenses relatives au logement ; chacun est tenu au paiement du loyer jusqu’à
la dissolution du PACS.
Þ En cas de
rupture, si le locataire adresse un congé au bailleur, l’autre partenaire doit
quitter le logement à l’expiration du préavis , sauf si le bailleur accepte de
lui établir un nouveau bail.
Si celui qui
est hébergé quitte le logement, il reste tenu du paiement du loyer et des
charges jusqu’à ce que la résiliation du
PACS produise ses effets.
2 – LE COUPLE
DE CONCUBINS
Tout comme
pour le PACS, la situation varie en fonction d’une cotitularité conventionnelle
adoptée ou non par les concubins.
En cas de
cotitularité conventionnelle, chaque concubin a alors la qualité de preneur.
La rupture
de l’union, quelque soit sa cause, ne met pas systématiquement fin au contrat
de bail, du fait que chaque concubin peut se prévaloir de son propre droit au
bail.
Si une
clause de solidarité a été insérée aux termes du bail, le concubin qui a quitté
le logement restera solidaire du paiement des loyers et charges pour la durée
prévue au bail.
Si aucune
clause de solidarité n’a été insérée aux termes du bail, le concubin qui quitte
le logement sera uniquement redevable des loyers et charges jusqu’à
l’expiration du préavis donné par le bailleur.
En cas
d’absence de cotitularité conventionnelle, le concubin qui n’a pas donné congé
ne peut se maintenir dans les lieux, sauf à ce que le bailleur lui signe un
nouveau bail, ou encore en cas de décès ou d’abandon de famille du concubin,
locataire en titre, et ce sous certaines conditions que nous aborderons
ultérieurement.
C – LA
COTITULARITE, LE DECES OU L’ABANDON DE FAMILLE
1 – POUR LE
COUPLE MARIE
En cas de
décès, l’article 1751 alinéa 3 et l’article 14 alinéa 2 de la loi du 6 juillet
1989 prévoient cette situation , en transférant le contrat de bail au profit du
locataire du conjoint décédé.
En cas
d’abandon de domicile par l’un des conjoints, et dans la mesure où l’abandon de
domicile répond aux critères jurisprudentiels de la force majeure, le contrat
se poursuit au conjoint restant.
Il convient
de préciser que l’abandon de domicile ne doit pas être « organisé », il ne
s’agit pas d’une mutation professionnelle, mais réellement d’un départ «
surprise », sans esprit de retour .
En résumé,
il ne doit pas s’agir d’un déménagement de pure convenance.
Cette
condition est indispensable afin que le contrat de bail puisse se poursuivre,
au profit du conjoint restant.
2- POUR LE
COUPLE PACSE
En cas de
décès, le contrat de location se poursuit au profit du partenaire pacsé sans
condition de durée du PACS.
Toutefois,
s’il existe plusieurs bénéficiaires du transfert du contrat de location, le
juge se prononcera alors en fonction des intérêts en présence.
La décision
s’imposera alors au bailleur.
En cas
d’abandon du domicile, le contrat de location se poursuit au profit du
partenaire lié par un pacte civil de solidarité.
Dans les
deux cas, et dés lors qu’il s’agit d’un logement HLM, le partenaire pour se
maintenir doit disposer de ressources inférieures aux plafonds qui ouvrent
droit à un logement HLM.
Cette
situation n’est pas sans contrainte pour le bailleur, qui peut ainsi se voir
imposer un locataire qu’il n’a pas choisi , dés lors que le partenaire lié par
un pacte civil de solidarité n’était pas
titulaire du bail.
3 – POUR LE
COUPLE DE CONCUBINS
En cas de
décès comme en cas d’abandon de domicile, et dés lors qu’il n’ il n’y a pas
cotitularité conventionnelle , le bail peut se poursuivre au profit du concubin
notoire qui vivait avec le locataire titulaire du bail depuis au moins un an ,
avant l’abandon du domicile.
http://droit-finances.commentcamarche.net/contents/717-bail-d-habitation-les-clauses-abusives#ooid=Y0ZHFxczoHHUKBQNq-OBWzbJllXn-9M7
LA
COTITULARITE DU BAIL D'HABITATION
Article
publié le 18/12/2012, vu 18680 fois
LA
COTITULARITE DU BAIL D’HABITATION
Karine
ALTMANN
Avocat à la
Cour d’Appel de PARIS
Selon
l’architecte français Le CORBUSIER, « LE LOGIS, C’EST LE TEMPLE DE LA FAMILLE
», c’est dans le droit fil de cet état d’esprit que le législateur a souhaité
de longue date, protéger le logement familial, notamment via la notion de
cotitularité.
Celle – ci
se définit, en effet , comme la situation juridique dans laquelle se trouve
deux ou plusieurs personnes disposant d’un même droit.
Si la
cotitularité a eu dans un premier temps pour finalité exclusive de protéger le
logement familial et le couple marié, à travers les dispositions des articles
215 alinéa 3 ou encore 1751 du Code Civil, elle ne peut plus aujourd’hui être
envisagée au seul profit du couple marié.
En effet,
depuis les années 1960, le schéma a été
profondément modifié, avec une diminution importante du nombre de mariages, la
progression constante de l’union libre et du PACS, désormais consacré par le
législateur.
Cet
éclatement de la cellule classique a pour conséquence immédiate la naissance de
nouveaux intérêts à protéger et le développement de nouvelles dispositions
juridiques en ce sens.
C’est
pourquoi, une étude de la cotitularité ne peut se limiter à ce jour à ses
seules conséquences au regard des
couples mariés , mais doit être envisagée également sous l’angle des unions de
fait. (I)
Parallélement,
avec un divorce sur deux en région parisienne, et un sur trois pour le reste de
la France, le nombre important de ruptures d’union libre, les décès en dehors
des régles successorales protectrices de
les effets de la cotitularité n’en ont
que plus d’importance. (II).
C’est donc
autour de ces deux axes, que je développerai mon propos.
I – LES
CONSEQUENCES JURIDIQUES DE LA COTITULARITE
Si la
cotitularité avait pour vocation initiale de protéger le couple marié, ses
frontières ont été redéfinies au vu de l’émergence des nouvelles structures
familiales.
C’est
toutefois, sous l’angle du couple marié que nous aborderons l’étude du couple
marié.
A –
COTITULARITE ET MARIAGE
L’article
1751 du Code Civil dispose : « le droit au bail du local sans caractère
professionnel ou commercial, qui sert effectivement à l’habitation des deux
époux, est quelque que soit leur régime matrimonial et nonobstant toute
convention contraire, et même si le bail a été conclu, avant le mariage réputé
appartenir à l’un ou à l’autre des époux. »
Se prévaloir
de la protection du logement familial via la qualité de cotitulaires du bail ,
c’est répondre en amont à certaines conditions légales.
1 – Conditions d’Application de la Cotitularité
a –
L’indifférence du régime matrimonial
La
cotitularité du bail d’habitation des époux a un caractère impératif, puisque
la nature d’ordre public résulte du texte de l’article 1751 du Code Civil,
lequel précise qu’elle profite aux époux « nonobstant toute convention
contraire ».
En
conséquence, aucune dérogation n’est admise, ni dans les conventions
matrimoniales, ni dans un contrat conclu entre l’un des époux et le bailleur.
Aussi,
l’article 1751 du Code Civil , dés lors qu’il évoque « les deux époux » englobe
toutes les situations maritales, que les époux soient unis sous un régime
communautaire ou séparatiste.
b –
L’indifférence de la date de conclusion du bail
Du fait des
dispositions de l’article 1751 du Code Civil, le conjoint non partie au contrat
de bail signé initialement par l’autre époux, prend immédiatement la qualité de
locataire et ce quelque soit, la date de conclusion du bail , qu’il ait été
conclu avant ou après le mariage.
Situation
n°1 : Cas d’un mariage conclu hors de France
Le mariage a
été célébré à l’étranger mais reconnu en France, et la cotitularité s’impose.
2 –
Conditions nécessaires
Le
législateur limite l’étendue du champ d’application de la cotitularité légale
en imposant au travers de l’article 1751 du Code Civil, certaines conditions.
Elles sont
au nombre de deux :
a – La
cotitularité ne peut s’appliquer que s’il s’agit d’un bail exclusivement à
usage d’habitation.
Sont donc
exclus les baux commerciaux et professionnels , ainsi que les conventions
d’occupation à titre gratuit.
b- la
cotitularité ne peut s’appliquer que s’il s’agit du logement habituel et
principal du couple, et ce même pour un temps. La jurisprudence n’exige
toutefois pas, qu’il s’agisse d’une cohabitation permanente.
C’ est
pourquoi, si l’un des époux demeure à l’étranger ou de façon permanente en
dehors du logement loué, il lui appartiendra dans le cadre d’une éventuelle
revendication du droit au bail, de prouver qu’il demeure effectivement dans les
lieux
Situation
pratique :
L’un des
époux réside la plus grande partie de l’année en dehors de l’appartement loué
en vue de l’habitation principale, ne pourra pas prétendre à la cotitularité
Les
bailleurs sociaux sont fréquemment confrontés à des couples ne résident pas
ensemble dans l’appartement, ce qui n’est pas sans poser problème.
Quelle doit
être la position du bailleur dans ces circonstances ?
La question
de savoir si l’appartement sert de logement principal du couple a autant
d’importance pendant l’exécution du contrat de bail, qu’à l’expiration du celui
– ci.
La charge de
la preuve d’une cohabitation permanente ou même pendant un temps, incombe au locataire
qui s’en prévaut. La production de factures de gaz, d’électricité, de chéquiers
communs faisant état de l’adresse commune
et des époux peut être considéré comme un début de preuve.
- 0 -
Ainsi et
comme nous le verrons ultérieurement, la cessation de la cohabitation, suite à
une séparation de fait ou à une autorisation judiciaire de résidence séparée ne
sont pas de nature à remettre en cause la qualité de colocataire des époux.
B – L’EGALITE
DES LOCATAIRES ET SON IMPLICATION PENDANT LA DUREE ET A L’EXPIRATION DU BAIL
La
cotitularité a pour conséquence immédiate de placer les époux dans une
situation « d’indivision forcée » en reconnaissant à chacun un droit personnel
sur le bail, ce qui impose également des obligations spécifiques pour le
bailleur.
1 –
L’OBLIGATION POUR LE BAILLEUR D’UNE DOUBLE NOTIFICATION
Du fait
de la coexistence du droit sur le bail
de chaque des deux époux, le bailleur est soumis à une obligation de double
notification, concernant un certain nombre d’actes notifiés aux locataires, et
notamment :
- les commandements de payer ;
- les offres de renouvellement du bail ;
- les assignations en justice ;
- les congés ( sur ce dernier point, un arrêt
de la 3ème Chambre Civile de la Cour de Cassation du 2.2.2000 déclare valable
un congé adressé par le bailleur en LRAR en une seule lettre recommandée AR,
mais dont l’accusé de réception a été signé par chacun des époux (pourvoi
98.11471) ;
Il convient
de préciser que la sanction du respect de cette double notification n’est pas
la nullité de l’acte mais son inopposabilité , à l’encontre de l’époux non
destinataire.
Bien
entendu, l’ obligation d’une double notification pèse sur le bailleur, à condition que la situation
maritale de son locataire ait été portée à sa connaissance, en temps utiles.
SITUATION
PRATIQUE :
Cette
difficulté a trouvé sa solution lors de la rédaction de l’article 9-1 de la loi
du 6 juillet 1989, aux termes duquel, nonobstant les notifications ou
significations faites en application du présent titre par le bailleur, sont de
plein droit opposables au partenaire lié par un pacte civil de solidarité au
locataire, ou au conjoint du locataire si l’existence de ce partenaire ou de ce
conjoint n’a pas été préalablement porté à la connaissance du bailleur.
Dés lors, et
en application de ce texte, le bailleur ignorant l’existence d’un conjoint ou
d’un partenaire lié par un PACS ne peut se voir opposer la nullité de l’acte,
sauf au conjoint se prévalant de l’inopposabilité de démontrer que son
changement de situation personnelle avait été portée à la connaissance de son
propriétaire.
ÞSur un plan
pratique, et afin d’éviter toute contestation, il est conseillé au bailleur,
dans tous les cas de notifier tout acte au locataire en titre ainsi qu’à tout
conjoint s’il y a .
La
cotitularité a bien entendu des effets lors de la notification d’actes par le
locataire à son bailleur.
2 –
L’EXIGENCE D’UN CONSENTEMENT CONJOINT DES LOCATAIRES
Si la
cotitularité a pour effet d’imposer au bailleur une double notification d’un
certain nombre d’actes aux locataires, ces derniers sont eux –même soumis à la
nécessité d’un consentement conjoint préalablement à toute décision affectant
le bail.
C’est notamment
le cas lors du congé délivré par l’un des époux, sans l’accord de l’autre.
En effet, le
locataire ne peut donner congé au bailleur du logement loué sans l’accord de son conjoint.
Certes, un
époux peut renoncer personnellement à son droit au bail, mais le congé qu’il
adresse au bailleur n’a aucun effet à l’égard de son conjoint, qui conserve,
ses droits personnels sur le logement.
SITUATION
PRATIQUE
Très
fréquemment, un conjoint peut quitter le domicile conjugal sans même donner
congé , laissant l’autre conjoint dans l’appartement sans qu’aucune décision de
divorce n’intervienne.
Dans ces
conditions, et si les conditions de l’abandon du domicile ne sont pas réunies
(caractère de force majeure), le bailleur peut toujours considérer que l’époux ayant
quitté le logement est toujours cotitulaire et doit répondre du paiement des
loyers.
S’il est de
l’intérêt du bailleur, il peut également
considérer que seul le conjoint resté dans les lieux, a la qualité de
locataire, et sur ce point, saisir le Tribunal d’Instance aux fins de voir
constater que l’un des conjoints a quitté les lieux, et de voir reconnaître la
qualité de seul locataire à celui resté dans les lieux.
La
cotitularité prévue à l’article 1751 du Code Civil a également une autre
conséquence et non des moindres, la solidarité entre époux prévue par l’article
220 du Code Civil.
C – LA
CONSEQUENCE INDIRECTE DE LA COTITULARITE : LA SOLIDARITE ENTRE EPOUX
L’article
220 du Code Civil dispose que les époux sont solidaires des dettes ayant pour objet
l’entretien du ménage, ou l’éducation des enfants.
Les sommes
dues au titre du logement familial sont bien entendu comprises dans les dettes
visées par l’article 220 du Code Civil, ce qui a pour conséquence immédiate
d’autoriser le bailleur à réclamer à
l’un des époux la totalité de la dette de loyers.
SITUATION
PRATIQUE
Le bailleur
peut par conséquent diligenter toutes voies d’exécution à l’encontre de l’époux
de son choix.
Contrairement
à la cotitularité qui ne peut jouer que pour un logement occupé à titre
principal, la solidarité entre époux peut également jouer dans le cadre de
dette de loyers concernant une résidence secondaire.
Si la
cotitularité et la solidarité entre époux ont un caractère automatique, tel
n’est pas le cas pour les concubins et les partenaires liés par un PACS.
D –
L’EXTENSION DU CHAMP D’APPLICATION DE LA COTITULARITE LEGALE
Si
l’application des effets de la cotitularité légale aux concubins (1) et aux partenaires liés par
un PACS (2) est , dans une moindre mesure effective , elle est également limitée (2)
1 – LE COUPLE DE CONCUBINS
L’article
515- 8 du Code Civil définit le concubinage comme une union de fait,
caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de
continuité entre deux personnes de sexe différent ou de même sexe, qui vivent
en couple.
SITUATION
PRATIQUE :
Le bailleur
a, en général, les plus grandes difficultés à apprécier la notion de
concubinage notoire. En tout état de cause, c’est celui qui se prévaut de cette
qualité, qui doit la prouver.
D’une façon
générale, la preuve est libre, mais elle résulte le plus souvent de :
- documents officiels, avis d’imposition
établis au nom des deux concubins ,
- le témoignage et attestations d’amis,
membres de la famille des concubins ;
A la
différence du couplé marié, le couple de concubins ne bénéficie pas
automatiquement de la cotitularité du bail et de la solidarité.
a – LA
COTITULARITE
La
cotitularité ne peut être envisagée pour le couple en concubinage, qu’à la
condition que chacun des concubins soit signataire du bail.
A la
différence de l’article 1751 du code civil, qui impose une cotitularité d’ordre
public, la cotitularité entre deux concubins ne peut être que conventionnelle.
A défaut, le
concubin non signataire du bail, ne dispose d’aucun droit sur le bail, et ne peut
se maintenir dans les lieux loués, si le titulaire du bail devait donner congé
au bailleur, sauf décès ou abandon de domicile par le locataire en titre.
Il convient
de préciser que dans le cadre d’une cotitularité conventionnelle, le bailleur
sera soumis aux mêmes obligations de double notification des actes concernant
le bail.
Il s’agit là
d’un parallélisme avec les règles régissant les notifications concernant les
couples mariés.
b– LA
SOLIDARITE
POUR LE
BAILLEUR
Si le
bailleur d’un couple marié bénéficie des dispositions de l’article 220 du Code
Civil, et de la faculté de pouvoir se retourner au choix contre l’un ou l’autre
des époux, aux fins de recouvrer les sommes dues au titre des loyers, la
situation lui est beaucoup moins favorable en cas de location à un couple de
concubins.
A la
différence du mariage ou du PACS, qui créé une solidarité en matière de dettes
locatives, aucune disposition semblable n’existe pour les concubins.
Or,
conformément à l’article 1202 du Code Civil, la solidarité ne se présume pas.
Les
concubins peuvent toutefois être solidaires du paiement des dettes locatives,
qu’à la condition :
- d’être cotitulaires du bail ;
- qu’une clause de solidarité soit
expressément prévue aux termes de l’engagement de location ; celle – ci devra
toutefois être limitée dans le temps, en général pour une durée minimum d ‘un
an, ou pour toute la durée initiale du bail.
Les
tribunaux tendent en effet, à invalider les clauses de solidarité conclues pour
une durée indéterminée, notamment lorsqu’un des locataires a donné
préalablement congé.
En l’absence
de clause de solidarité prévue aux termes du bail, et de cotitularité
conventionnelle, le concubin non titulaire qui vit de manière continue avec le
titulaire du bail n’est pas tenu au paiement des loyers et charges.
SITUATION
PRATIQUE
Confronté au
changement successif de concubins, le bailleur a tendance à rédiger des
avenants afin de tenir compte du changement de situation personnelle de ses
locataires.
D’expérience,
nous déconseillons la rédaction d’avenants qui ne peuvent que se multiplier au
fil du temps , et priver le bailleur de la solidarité d’un locataire ayant
certes donné congé, mais étant encore tenu par les termes d’une clause de
solidarité vis à vis de son ancien bailleur.
POUR LE
LOCATAIRE
Relativement
au congé, le titulaire du bail peut donner congé du logement, sans l’accord de
son concubin. Le congé, à la différence de ce qui est applicable pour le couple
marié, lui sera cette fois ci opposable.
Le concubin
non titulaire du bail, ne pourra bénéficier d’un droit de maintien dans les
lieux, à l’expiration du délai de préavis.
S’il devait
se maintenir dans les lieux consécutivement à un congé donné par le titulaire
du bail, il doit alors être considéré comme occupant sans droit, ni titre, et
une action en justice doit être intentée sur cette base, à son encontre.
La situation
est pour le moins différente en ce qui concerne le couple liés par un pacte
civil de solidarité.
2 – LE
COUPLE DE PARTENAIRES LIE PAR UN PACTE CIVIL DE SOLIDARITE
Aux termes
de l’article 515 – 1 du Code Civil, le « pacte civil de solidarité est un
contrat conclu par deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de
même sexe, pour organiser leur vie commune. »
A la
différence du concubinage, le pacte civil de solidarité a un caractère
officiel, puisqu’il est prononcé par le Tribunal d’Instance et dés son
prononcé, et est mentionné sur le livret de famille de chaque partenaire, ce
qui facilite l’information du bailleur.
C’est sous
cet angle, que doit être analysé la cotitularité et ses conséquences au regard
du Pacte civil de solidarité.
a – la
cotitularité
La
cotitularité d’ordre public de l’article 1751 du Code Civil, n’a pas
d’équivalent en ce qui concerne le pacte civil de solidarité.
La situation
est donc en tout point, identique à celle du concubinage, à savoir une
cotitularité, qui ne peut être qu’ exclusivement conventionnelle.
Toutefois,
on peut s’interroger légitimement sur le point de savoir si le législateur n’a
pas souhaiter créer un parallèle avec la cotitularité légale de l’article 1751
du Code Civil.
En effet,
l’article 9-1 de la loi du 6 juillet 1989 laisse à penser que le législateur a
crée
une
co-titularité du bail en matière de notification et de signification d’actes
relatifs aux rapports locatifs.
Ainsi, tous
les actes notifiés ou signifiés par le bailleur sont opposables au partenaire
d’un pacte civil de solidarité non signataire du bail , si l’existence de
celui-ci , n’a pas été porté à la connaissance du bailleur.
Enfin et
comme nous le verrons ultérieurement, le décès ou l’abandon de domicile ouvre
un certain nombre de droits sous certaines conditions au partenaire lié par un
Pacte Civil de Solidarité.
En ce qui
concerne la solidarité, le statut des partenaires liés par un PACS, est en tout
point, semblable à celui des époux mariés.
b- la
solidarité
L’article
514 alinéa 2 du Code Civil dispose que « les partenaires sont tenus
solidairement à l’égard des tiers des dettes contractées pour les besoins de la
vie courante . Toutefois, cette solidarité n’a pas lieu pour les dépenses
manifestement excessives. »
Cette
situation est extrêmement favorable pour le bailleur, puisque :
- soit, le bail est conclu avec les deux
partenaires, et ceux –ci sont tenus en qualité de co-titulaires du bail ,
solidairement au paiement des dettes locatives pendant toute la durée du
contrat de location ;
- soit le bail est consenti au profit
d’une personne seule qui conclut en cours de bail un pacte civil de solidarité
et dans ce cas, les deux partenaires sont tenus au paiement du loyer et des
charges pendant toute la durée du PACS, par application de l’article 514- 4 du
Code Civil.
C’ est dans
ces conditions, qu’il nous faut maintenant aborder les effets de la
cotitularité en cas de modification des situations familiales.
II – LES
EFFETS DE LA COTITULARITE EN CAS DE MODIFICATION DES SITUATIONS FAMILIALES
Nous
examinerons ici la question de la cotitularité, sous l’angle du divorce, de la
séparation , et enfin de l’abandon du domicile et du décès.
II – LES
EFFETS DE LA COTITULARITE EN CAS DE MODIFICATION DES SITUATIONS FAMILLIALES
Il convient
d’examiner en tout premier lieu, les effets des modifications des situations
familiales pour le couple marié.
A – LA
COTITULARITE A L’EPREUVE DU DIVORCE
Le
législateur a voulu protéger le logement familial, même en cas de séparation ou
de divorce du couple marié.
Cette
volonté de faire perdurer cette protection s’illustre à plusieurs niveaux et
notamment :
- lors du congé donné par l’un seul des
époux, lequel n’est pas opposable à l’autre conjoint ;`
- lors de la séparation de fait ou de
droit du couple, où le principe de cotitularité demeure, même après une
décision d’un juge aux affaires familiales se prononçant sur une résidence
séparée des époux ;
- la cotitularité perdure jusqu’à la
transcription du divorce auprès de l’état civil ;
Cette
volonté de protéger le droit indivis de chaque époux locataire conduit parfois
à des situations juridiques complexes.
C’est ainsi
que par arrêt de la 3éme Chambre Civile de la Cour de Cassation du 1er avril
2009, (pourvoi 08- 15929), la juridiction suprême a eu à juger d’une situation
particulière puisqu’un bail avait été signé par deux preneurs.
En cours de
contrat, ils se marièrent puis divorcèrent.
Autorisée à
résider séparément, l’épouse s’est vue attribuer la jouissance du domicile
conjugal .
Un nouveau
bail a été proposé à la seule locataire qui l’a accepté, avant de donné congé
au bailleur.
L’ex –époux
a alors assigné son ex-épouse et le bailleur afin de se faire reconnaître
titulaire du droit au bail avant son mariage.
Dés lors
qu’au moment du divorce, seule la jouissance du domicile conjugal avait été
attribuée, à titre provisoire, à l’ex - épouse et qu’il n’avait jamais donné
congé, il ne pouvait se voir opposer le nouveau bail , la cotitularité légale
des époux étant maintenue.
Le bailleur,
au vu de cette décision, se doit de poursuivre une double notification de tous
les actes concernant le bail, jusqu’à la transcription du jugement de divorce
auprès de l’état civil.
Si la
cotitularité perdure jusqu’à la transcription du divorce auprès de l’état
civil, qu’en est il en cas de rupture de concubinage ou du PACS ?
B – LA
COTITULARITE A L’EPREUVE DE LA RUPTURE DU CONCUBINAGE OU DU PACTE CIVIL DE
SOLIDARITE
1 – LE
COUPLE PACSE
La situation
est différente s’il le couple pacsé a opté pour la cotitularité conventionnelle
ou si un seul des partenaires est titulaire du bail.
Þ En cas de
cotitularité conventionnelle, et lorsqu’une rupture intervient , si un seul des
partenaires adresse son congé , le bail se poursuivra au seul profit du partenaire
qui n’a pas donné congé.
Þ Si le bail
contient une clause de solidarité , celui qui a quitté le logement reste
solidaire jusqu’à ce que la résiliation du PACS produise ses effets, ainsi que
jusqu’à l’expiration du bail
Þ En
l’absence de clause de solidarité, celui qui a quitté le logement reste
solidaire jusqu’à ce que la résiliation du PACS produise ses effets et jusqu’à
l’expiration du préavis donné au bailleur pour le congé
Þ En cas
d’absence de cotitularité conventionnelle, les deux sont solidaires pour les
dépenses relatives au logement ; chacun est tenu au paiement du loyer jusqu’à
la dissolution du PACS.
Þ En cas de
rupture, si le locataire adresse un congé au bailleur, l’autre partenaire doit
quitter le logement à l’expiration du préavis , sauf si le bailleur accepte de
lui établir un nouveau bail.
Si celui qui
est hébergé quitte le logement, il reste tenu du paiement du loyer et des
charges jusqu’à ce que la résiliation du
PACS produise ses effets.
2 – LE COUPLE
DE CONCUBINS
Tout comme
pour le PACS, la situation varie en fonction d’une cotitularité conventionnelle
adoptée ou non par les concubins.
En cas de
cotitularité conventionnelle, chaque concubin a alors la qualité de preneur.
La rupture
de l’union, quelque soit sa cause, ne met pas systématiquement fin au contrat
de bail, du fait que chaque concubin peut se prévaloir de son propre droit au
bail.
Si une
clause de solidarité a été insérée aux termes du bail, le concubin qui a quitté
le logement restera solidaire du paiement des loyers et charges pour la durée
prévue au bail.
Si aucune
clause de solidarité n’a été insérée aux termes du bail, le concubin qui quitte
le logement sera uniquement redevable des loyers et charges jusqu’à
l’expiration du préavis donné par le bailleur.
En cas
d’absence de cotitularité conventionnelle, le concubin qui n’a pas donné congé
ne peut se maintenir dans les lieux, sauf à ce que le bailleur lui signe un
nouveau bail, ou encore en cas de décès ou d’abandon de famille du concubin,
locataire en titre, et ce sous certaines conditions que nous aborderons
ultérieurement.
C – LA
COTITULARITE, LE DECES OU L’ABANDON DE FAMILLE
1 – POUR LE
COUPLE MARIE
En cas de
décès, l’article 1751 alinéa 3 et l’article 14 alinéa 2 de la loi du 6 juillet
1989 prévoient cette situation , en transférant le contrat de bail au profit du
locataire du conjoint décédé.
En cas
d’abandon de domicile par l’un des conjoints, et dans la mesure où l’abandon de
domicile répond aux critères jurisprudentiels de la force majeure, le contrat
se poursuit au conjoint restant.
Il convient
de préciser que l’abandon de domicile ne doit pas être « organisé », il ne
s’agit pas d’une mutation professionnelle, mais réellement d’un départ «
surprise », sans esprit de retour .
En résumé,
il ne doit pas s’agir d’un déménagement de pure convenance.
Cette
condition est indispensable afin que le contrat de bail puisse se poursuivre,
au profit du conjoint restant.
2- POUR LE
COUPLE PACSE
En cas de
décès, le contrat de location se poursuit au profit du partenaire pacsé sans
condition de durée du PACS.
Toutefois,
s’il existe plusieurs bénéficiaires du transfert du contrat de location, le
juge se prononcera alors en fonction des intérêts en présence.
La décision
s’imposera alors au bailleur.
En cas
d’abandon du domicile, le contrat de location se poursuit au profit du
partenaire lié par un pacte civil de solidarité.
Dans les
deux cas, et dés lors qu’il s’agit d’un logement HLM, le partenaire pour se
maintenir doit disposer de ressources inférieures aux plafonds qui ouvrent
droit à un logement HLM.
Cette
situation n’est pas sans contrainte pour le bailleur, qui peut ainsi se voir
imposer un locataire qu’il n’a pas choisi , dés lors que le partenaire lié par
un pacte civil de solidarité n’était pas
titulaire du bail.
3 – POUR LE
COUPLE DE CONCUBINS
En cas de
décès comme en cas d’abandon de domicile, et dés lors qu’il n’ il n’y a pas
cotitularité conventionnelle , le bail peut se poursuivre au profit du concubin
notoire qui vivait avec le locataire titulaire du bail depuis au moins un an ,
avant l’abandon du domicile.
http://droit-finances.commentcamarche.net/contents/717-bail-d-habitation-les-clauses-abusives#ooid=Y0ZHFxczoHHUKBQNq-OBWzbJllXn-9M7
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