Comme la Ville de Paris, l'Assistance publique des hôpitaux de Paris
(APHP) possède un impressionnant patrimoine immobilier dans la capitale: 4.400 logements environ. Comme elle, l'APHP est propriétaire d'immeubles situés dans des quartiers à faire pâlir d'envie plus d'un agent immobilier. Comme la Ville, enfin, elle y accueille beaucoup de locataires dont rien ne justifie la présence. Ce patrimoine, en effet, est normalement réservé au personnel de l'Assistance publique. Le personnel en activité, bien sûr.
Il y a quelques «trésors» dans le parc de l'APHP: des logements quai de la Tournelle, face à Notre-Dame et l'Ile-St-Louis, rue Gît-le-Coeur dans le Paris historique, rue Vaneau (VIe), rue de la Comète ou rue Saint-Dominique dans l'ultrarésidentiel VIIe arrondissement, rue Monge dans le très recherché Ve. Et puis boulevard du Port-Royal, place Denfert-Rochereau dans l'agréable XIVe et encore rue Molitor dans le bourgeois XVIe arrondissement... La liste des adresses est longue. Elle n'est pourtant pas publique. Même les administrateurs de l'APHP n'ont pas droit à un inventaire détaillé de ce patrimoine. La direction se contente de leur fournir des chiffres globaux. La recherche des immeubles relève donc du jeu de piste. Des informations filtrent lors du vote des budgets pour réaliser des travaux de réhabilitation ou d'entretien de certains bâtiments. Dans ce cas, le dossier doit contenir un descriptif précis avec, bien entendu, l'adresse exacte de l'immeuble. La situation est d'autant plus compliquée que l'Assistance publique ne gère pas directement l'ensemble de son patrimoine. A Paris, seulement 2.090 logements sont «en gestion directe», c'est-à-dire placés sous la coupe de l'APHP. Pour les autres, 2.300 environ, des baux emphytéotiques ont été passés avec des sociétés d'économie mixte, la RIVP notamment (1) ou des sociétés de HLM. Propriétaire de terrains, l'APHP leur a concédé des baux de trente à soixante ans assortis d'une obligation de construire des logements destinés à loger des personnels de l'Assistance publique. Pendant toute cette période, la société perçoit les loyers. Et à l'expiration du bail, ces logements reviennent à l'Assistance publique. Mais ce patrimoine, qui est censé abriter infirmières, aides-soignantes ou cadres hospitaliers de l'APHP, est loin d'en rester à cette vocation. Pas moins d'un quart des appartements parisiens relevant de la gestion directe, soit 500 logements environ, sont occupés par des personnes qui n'ont strictement rien à voir avec l'Assistance publique. A ce chiffre, il faut ajouter 60 appartements environ abritant des locataires qui ont fait un bref passage dans le monde des hôpitaux mais qui, à leur départ, se sont bien gardés de restituer leur logement. Car, autre similitude avec la Ville de Paris, l'Assistance publique loue souvent ses appartements à des prix défiant toute concurrence. Selon la direction de l'APHP, les loyers pratiqués sont de l'ordre de 50 à 55 F du mètre carré, y compris dans les quartiers les plus convoités de Paris. Soit des tarifs équivalents à la moitié de ceux pratiqués sur le marché. Ces loyers ne sont a priori pas scandaleux lorsqu'ils revêtent un caractère social et bénéficient à des salariés de l'APHP aux revenus modestes ou moyens... Mais à la longue, de mauvaises habitudes ont été prises. Ainsi trouve-t-on dans certains immeubles des avocats, des médecins libéraux, des directeurs de sociétés, des cadres dirigeants d'entreprise, de très hauts fonctionnaires. Très souvent, ces personnes au bras long obtiennent des appartements pour leurs enfants (lire ci-dessous). La direction elle-même admet ces anomalies. «Depuis 1991, nous nous sommes lancés dans une politique de libération à l'amiable des appartements occupés par des locataires n'appartenant pas à l'APHP. Lorsque le bail arrive à terme, nous leur donnons congé», affirme Réginald Allouche, directeur de l'équipement à l'Assistance publique. De nombreuses actions contentieuses ont été engagées devant les tribunaux à l'encontre de locataires aux revenus confortables qui veulent continuer à bénéficier du système. Mais cette politique semble trouver ses limites lorsqu'elle se heurte à des personnes bénéficiant d'appuis solides. (1) Régie immobilière de la Ville de Paris.

Au sein de l’Assistance publique-Hôpitaux 
de Paris, certains agents gagnent 
à peine plus que 
le Smic. Difficile 
dans ces conditions de vivre décemment et, de plus en plus souvent, de se loger. Témoignages.
Alors que le pouvoir d’achat des 10 % les plus pauvres a augmenté de 13 % entre 1990 et 2008, celui des 10 % les plus riches a crû de 27 %. Cette « hausse », les petites mains de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris l’ont à peine perçue. Et le contexte actuel, entre crise économique et malaise au travail, n’arrange rien. Pour ces agents payés au lance-pierre, joindre les deux bouts est un pari quasi quotidien. Fatimata (*) peut en témoigner.
Comme des centaines de ses collègues, cette jeune femme est ce qu’on appelle communément aujourd’hui une travailleuse pauvre, ou plus exactement une fonctionnaire précaire. Agent des services hospitaliers – ASH dans le jargon – à l’hôpital parisien Georges-Pompidou (HEGP), elle gagne environ 1 300 euros par mois. Certes, elle n’est pas sans ressources, mais elle est loin de rouler sur l’or. Elle-même l’avoue : pour s’en sortir, elle est obligée de travailler plus, beaucoup plus même. En clair, quasiment tous les week-ends. Alors oui, certains mois, sa fiche de paie peut atteindre les 1 800 euros. « Mais à quel prix ! » lâche cette jeune mère de famille, sachant que dans ces cas-là, il faut qu’elle trouve quelqu’un pour garder sa fille. Dans ce contexte, le jour où elle a rompu avec son compagnon, elle s’est littéralement retrouvée à la rue. Un temps hébergée par une amie avec sa petite fille, elle a fini par trouver un logement dans le parc privé, faute de pouvoir accéder à un logement social, ce malgré la demande d’hébergement déposée auprès de son employeur, l’Assistance publique. Et aujourd’hui, cet appartement lui pompe la moitié de son salaire. « Je ne sais pas combien de temps je vais tenir », se demande-t-elle tous les matins.
Autre histoire, même constat : celui d’Habiba (*), également ASH, qui après une séparation s’est retrouvée seule avec ses deux enfants en bas âge, en grande banlieue parisienne. Sauf qu’à la différence de Fatimata, Habiba ne peut plus faire d’heures supplémentaires et ne peut donc pas améliorer son quotidien. En raison de problèmes de dos, elle ne pouvait plus travailler dans un service et s’est retrouvée en consultations, qui ne fonctionnent pas le week-end. Du coup, elle est revenue vivre chez ses parents, car elle ne pouvait plus 
assumer seule son loyer de 650 euros.
« J’ai trente ans d’ancienneté et je gagne 1 800 euros parce que je travaille un week-end sur deux. » Myriam, quarante-huit ans, est aide-soignante en psychiatrie à l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif (Val-de-Marne). Comme le scandent toutes les enquêtes d’opinion, la question du salaire est, pour cette mère célibataire, le « nerf de la guerre ». « Il faut vraiment ne rien dépenser en dehors du loyer, des factures et des courses. Moi, la mode, je ne la respecte pas. Quant aux chaussures, je fais très attention et je les fais régulièrement ressemeler », témoigne-t-elle. Le logement ? Cela fait sept ans que Myriam vit dans un deux-pièces avec sa fille et qu’elle demande un nouvel appartement auprès des bailleurs 
sociaux, y compris le service social de l’AP-HP. En vain. « On m’a bien fait des propositions, mais avec des loyers que j’aurais bien du mal à payer. » Le revers de la médaille, c’est qu’on ne lui propose plus rien car elle a refusé plusieurs offres. « On nous dit qu’on peut prendre tel ou tel appartement à plus de 700 euros de loyer, mais comment vous faites pour vivre, après ? » Comme bon nombre de ses collègues, elle s’interroge. « À un moment, je me suis même demandé si je n’allais pas retourner vivre chez ma mère. Mais pour la direction de l’AP-HP, c’est la solution toute trouvée. Tant que vous n’êtes pas à la rue… »
Enfin, il y a celles et ceux qui trouvent refuge dans un cabanon, un abri de fortune. Et à une portière du trottoir, il y a ceux qui dorment dans leur voiture. « C’est la réalité, même si ce n’est pas une majorité des agents », constate Joran Jamelot, secrétaire du syndicat CGT de l’HEGP. Membre de la commission logement de l’AP-HP depuis des années, Claudine Requena, de l’Usap-CGT, ne peut que constater l’augmentation de la précarité dans la fonction publique hospitalière. « Comme il y a de plus en plus de précarité, les gens qui ont un logement social attribué par 
l’AP-HP le gardent. En 2011, on a eu 3 000 demandes pour 500 appartements attribués. » En siégeant à cette commission, la syndicaliste a découvert l’ampleur de l’urgence sociale au sein de l’AP-HP. Et de citer le cas de cette aide-soignante qui, avant la trêve hivernale, s’est fait expulser de chez elle, avec ses deux enfants. 
« On est intervenu auprès de la 
direction locale de l’hôpital où elle travaillait pour qu’elle soit logée dans deux chambres de l’établissement avec ses enfants, le temps de trouver une solution. Au moins, elle n’était pas dehors. »
« Avant, le logement social que l’on pouvait avoir par l’AP-HP, c’était pour compenser les bas salaires, se souvient Joran. Mais cet avantage n’existe plus aujourd’hui. La direction bloque les appartements pour tenter d’attirer les infirmières, un peu comme une carotte pour compenser la faiblesse de leurs salaires. Et de fait, les petits salaires ne sont plus prioritaires et se retrouvent parfois dans des situations difficiles. »

(*) Les prénoms ont été modifiés.

Deux semaines après l'arrêté permettant la décote sur le foncier hospitalier, la mairie de Paris a acquis, ce lundi 12 janvier, l'ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul de l'AP-HP, situé dans le 14ème arrondissement. Cet emplacement historique, d'une superficie de 3,4 ha, accueillera prochainement 600 nouveaux logements, une crèche, une école, un gymnase et des commerces. Précisions.

La Ville de Paris deviendra bientôt propriétaire d'un terrain de 3,4 ha dans le 14ème arrondissement de Paris, qui accueillera notamment 600 nouveaux logements dont 50 % sociaux, une crèche, une école, un gymnase, des commerces et aussi un jardin de 2.000 m². En effet, la maire de Paris, Anne Hidalgo, et Martin Hirsch, directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) se sont mis d'accord le 12 janvier 2015 sur les conditions de la vente de l'ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul. C'est ainsi la première opération de cession de foncier hospitalier, deux semaines après la publication du décret n°2014-1743 du 30 décembre 2014 qui rend éligibles à la décote les terrains les établissements publics de santé.
La transaction prévoit un prix fixe non divulgué
D'ailleurs, la mairie de Paris et l'AP-HP prévoient un prix ferme payable dès 2015, assorti d'une clause de "retour à meilleure fortune", dont la vente sera finalisée après avis favorables de France Domaine, saisi conjointement par la Ville de Paris et l'AP-HP, et du Conseil de Surveillance de l'AP-HP. A noter également que le montant de la vente n'a pas été communiqué.


Au final, la Ville de Paris compte mener sur cet emplacement historique "un important projet de reconversion, qui alliera la préservation patrimoniale et l'innovation environnementale et sociale". Outre, la réalisation de 600 logements, le projet prévoit"des toitures et des terrasses végétalisées, des espaces d'agriculture et de potagers urbains". Les nouveaux bâtiments "co et éco-conçus" proposeront des "espaces partagés multiples".

Premier hôpital mère-enfant spécifiquement voué à la pédiatrie et à la gynécologie-obstétrique, Saint-Vincent-de-Paul est effectivement un site référent dans l'histoire du patrimoine hospitalier. D'ailleurs, une maternité y est créée en 1934. "Dans les années 70 les spécialités de neuropédiatrie, néonatologie, endocrinologie y sont développées", rappelle l'AP-HP dans un communiqué. Et toutes les activités de l'hôpital ont été progressivement transférées entre juillet 2010 et février 2012 vers l'hôpital Necker-Enfants malades, l'hôpital Bicêtre et la nouvelle maternité Port-Royal, ouverte en février 2012. Aujourd'hui, une page se tourne à l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul.

Le projet Saint-Vincent-de-Paul

Au nord du 14e arrondissement, le site se situe à la jonction des grandes emprises hospitalières de Port-Royal et Cochin et des quartiers « Campagne Première » et Montparnasse, aux constructions pittoresques et aux nombreux ateliers d’artistes.
Cet ancien site hospitalier de 3,4 hectares est entouré par des institutions à vocation religieuse, caritative ou culturelle : le couvent de la Visitation, l’Œuvre des Jeunes Filles Aveugles, l’Hospice Marie-Thérèse et la Fondation Cartier pour l’art contemporain. Ces emprises sont agrémentées de vastes espaces verts privés protégés en cœur d’îlot et visibles en partie depuis le boulevard Raspail et la rue Boissonade.
L’aménagement du site Saint-Vincent-de-Paul est un enjeu important pour l’arrondissement du 14e et représente une opportunité rare de transformer un quartier au cœur de Paris.
Il s’agit sur ce secteur de :
• créer un quartier à dominante logement, ouvert sur la Ville et favorisant la mixité sociale,
• mener une démarche environnementale ambitieuse et exemplaire et faire de Saint-Vincent-de-Paul un éco-quartier novateur, symbole des nouvelles manières d'habiter à Paris,
• penser les espaces publics et les espaces libres comme des espaces fortement plantés ou végétalisés en lien avec les grands espaces verts mitoyens, que ce soit sur les toits, le sol ou les façades,
• valoriser le patrimoine et l’histoire du site.